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Un couple sans histoire

par Baby Face

Chapitre 3 - Chapitre 4

Chapitre 3.

Sa marche était assurée, son attitude dégagée et dépourvue de toute appréhension. A grandes enjambées, Ryô s'éloignait du café Cat's eye, incertain cependant quant à ce qu'il lui fallait faire. Sa visite au café n'avait pas été vraiment fructueuse, même si elle lui avait accordé le répit dont il avait eu besoin pour se détendre et définir clairement la situation. Comme il refusait de mêler l'éléphant à ses problèmes, il s'était contenté de lui demander s'il n'avait pas entendu parler d'un tueur professionnel qui se serait manifesté récemment à Tokyo. L'autre avait fait « Hum », et répondu par la négative. Mais il lui avait assuré qu'il poserait la question à ses informateurs habituels ; ce qui n'était pas rien, vu que l'éléph possédait un réseau d'informateurs extrêmement efficace, qui couvrait la quasi-totalité de la région du Kantô. Il n'avait pas posé de questions, ce dont Ryô lui était reconnaissant, mais avait souri ironiquement, d'un sourire qui semblait dire « tu ne me dis rien, mais de toute façon je serais bientôt au courant, alors... ». Ryô hocha la tête d'un air songeur. Lui aussi allait fouiller le milieu, mais il doutait d'obtenir un meilleur résultat que l'éléph...

Aïe !

Il sentit un choc mou, pas désagréable, au niveau de son bras gauche, qui le déséquilibra légèrement. Il s'arrêta, et abaissa le regard sur une forme qui s'était affalée sur le sol.

- Ah... Pardon...
- Pfff... Pourriez pas faire un peu plus attention ?

Perdu dans ses pensées, il avait oublié que le trottoir n'était pas pour lui tout seul, et avait heurté une femme qui avait basculée en arrière avec un petit cri. Heureusement qu'elle avait criée, d'ailleurs, sans quoi il l'aurait piétinée... Elle ramassa son sac, grommelant quelques mots indistincts, puis se releva, dédaignant la main secourable qu'il lui tendait - sans arrières pensées, pourtant ! Quand elle s'éloigna, en direction du café, Ryô la suivit machinalement du regard. C'était une beauté, comme il en rencontrait fréquemment - il avait d'ailleurs fini par conclure que c'était à Shinjuku qu'on trouvait le plus grand nombre de beautés au kilomètre carré -, et elle lui arracha un soupir.
En se relevant, elle lui avait dévoilé un certain nombre de rondeurs affriolantes - Ok, quatre pour être précis ^^ -, et il était resté de glace devant un tel spectacle. Cette fille avait une allure folle, un corps superbe, et il ne ressentait même pas l'envie de lui courir après, pour lui proposer un café ou un coup à tirer...
Sous la jupe qui soulignait leurs courbes jumelles, les fesses - qu'il fixait inconsciemment - tressautaient alternativement, au rythme de la marche pressée de leur propriétaire.
Quoique... Tout bien pesé... Ses yeux s'agrandirent, un sourire lubrique gomma toute autre expression sur son visage, et il commença à courir vers la jeune femme en sautillant, les mains fermées sur les hanches.

- Mademoiselle... Attendez-moi ! Je sais bien que la marche rapide c'est bon pour le galbe de vos cuisses, mais elles sont déjà parfaites ! Je vous assur...

Ryô s'interrompit brutalement, et s'immobilisa. La jeune femme continua de s'éloigner, puis disparût rapidement, comme happée par le flot incessant des autres passants. Il pivota sur ses talons, et reprit son chemin. Son visage s'était figé dans un aspect indéfini, et ses yeux regardaient mélancoliquement dans le vide. Cette fille avait exactement le même léger balancement de hanches que Kaori quand elle marchait, ce petit balancement qui le troublait plus que de raison. Kaori... Que pouvait-elle bien faire en ce moment ?
Peut-être était-elle en train de l'attendre, peut-être se préparait-elle pour une soirée dont elle avait du deviner qu'elle serait différente des autres ?
Aaaaah, non...
Ryô secoua énergiquement la tête, indifférent à l'expression étonnée des autres piétons. Les choses avaient changé depuis ce matin. Kaori serait sans doute déçue, mais il ne voulait pas entamer avec elle une relation qui pourrait être aussitôt tâchée de sang. Il devait résoudre le problème du mystérieux tireur avant de pouvoir...
Ryô cligna lentement des yeux. D'un autre côté... A trop attendre de vivre, il allait finir par gâcher sa vie... et celle de Kaori, s'il n'y prenait pas garde.

Il était perdu dans ses pensées, quand cela recommença. Un déclic mental se fit en lui, avec une force telle qu'il faillit en perdre son sang-froid. A nouveau, cette tension meurtrière était braquée sur lui, porteuse d'une haine qui le fit frissonner involontairement. Exactement la même tension que celle qu'il avait ressentie quelques heures auparavant.
Ah ? Si, une différence cependant, et de taille : la personne dont émanait cette volonté haineuse était située beaucoup plus près de lui que la première fois. Une centaine de mètres au maximum les séparait, et il était capable de visualiser avec précision le corps qui était source de la tension.
Un pas, et puis un autre. Et un autre encore. Attentif à contrôler sa propre tension, Ryô mettait un pied devant l'autre avec une régularité mécanique, indifférent à tout ce qui ne se rapportait pas au tireur embusqué.
Il en était à son septième pas quand la détonation retentit.

*

Les passants qui entouraient Ryô bondirent de côté de surprise, mais celui-ci n'en avait cure. Il n'avait pas utilisé de silencieux, mais son geste avait été trop rapide pour que d'éventuels curieux aient pu comprendre quoi que ce soit à ce qui s'était passé. Ce qui importait maintenant, c'était la vitesse : en coup de vent, il se rua vers l'immeuble d'où provenait la tension.

Sous le choc, le fusil tomba avec bruit sur le sol dallé. La silhouette qui l'avait lâché fit quelques pas en arrière, étouffant avec peine un cri de douleur. La balle avait ricoché sur le fût de l'arme, et avait effleuré la main qui soutenait la culasse, y imprimant un sillon sanglant mais superficiel. Un instant décontenancée, la silhouette se ressaisit rapidement : elle ramassa le fusil, puis courut vers une excroissance bétonnée plantée au beau milieu du toit.
Elle sourit dans sa course : cet homme était bien City Hunter, d'une habileté prodigieuse dans le maniement des armes... Le tuer n'allait pas être une tâche aisée ; ses yeux n'avaient qu'à peine vu le mouvement qu'il avait fait pour tirer. Mais après tout...
Le sourire de l'individu se figea en une expression haineuse. De toute façon, il était hors de question qu'il meure aussi rapidement. Avant de payer pour les crimes qu'il avait commis, il allait d'abord souffrir, autant qu'il avait fait souffrir ceux qu'il avait assassinés.
Lui aussi, il avait des personnes qui lui étaient chères...
Une porte claqua.


Arrivé au pied de l'immeuble, Ryô releva la tête et considéra la façade aux nombreux balcons qui lui faisait face. A peine quatre... Non, cinq étages.
Une paille.
Avec une agilité phénoménale, il escalada la façade, puis prit pied sur le toit avec un bruit étouffé, les genoux pliés. Sa main droite était retournée chercher son revolver, qu'elle tenait à quelques centimètres de sa tempe.
Il resta quelques secondes dans cette position, se recueillant pour capter les traces d'une éventuelle tension. Ne trouvant rien, il se releva lentement, se détendant peu à peu : à l'évidence, l'autre ne s'était pas donné la peine de l'attendre. Il soupira. Peut-être avait-il eu tort de viser l'arme plutôt que le tireur lui-même, mais il aurait trahi ce faisant ses valeurs les plus essentielles. S'il n'était plus capable de neutraliser quelqu'un sans le tuer ou l'estropier, alors autant laisser tomber ce boulot et le nom de City Hunter...
Ryô marcha pensivement sur les dalles balayées par le vent, puis s'arrêta. Son regard, qui vaguait machinalement sur le sol en quête d'un indice quelconque, venait de se poser sur une tache rougeâtre, qui étincelait au soleil de ce milieu d'après-midi. Du sang. Frais, pas encore tout à fait absorbé par le béton vampirisant. En s'avançant vers la tache, il remarqua qu'elle était suivie par d'autres taches plus petites, qui formaient un chemin qu'il suivit du regard. Les sanglantes mies de pain d'un petit Poucet japonais menaient à un bloc de béton gris, planté comme un nez carré au milieu d'un visage morne et rectangulaire. Par acquis de conscience, il longea les taches, de plus en plus espacées, pour finalement contourner le nez et tomber bloc à bloc avec une bête porte métallique, qu'il ouvrit. Elle révéla un espace exiguë, qui sentait le refermé, avec à la base une trappe qu'il renonça à ouvrir. Non seulement il savait ce qu'il y trouverait - des échelons qui amèneraient à une pièce identique au dernier étage de l'immeuble - mais cela pouvait aussi se révéler dangereux.

Ryô frissonna. Le vent était particulièrement violent, à cette hauteur, et le transperçait impitoyablement d'innombrables lames glacées. Prenant sa décision, il dégringola hâtivement la façade, suivant un chemin inverse à celui qu'il avait pris pour monter, et atterrit brutalement sur le trottoir. Il inspecta négligemment les environs. Bon, personne ne l'avait vu, mis à part une grosse dame qui en avait lâché son filet à provisions de stupéfaction. Marchant à grand pas - au diable Bobonne - il rejoignit l'artère principale, et repartit dans la direction qu'il suivait avant d'être attaqué.
Il avait son comportement habituel, l'air d'un éternel désœuvré qui tue le temps en souriant aux passantes - pour peu qu'elles fussent jolies ^^ -, mais une raideur inhabituelle dans la démarche démentait cette apparence. L'une des femmes à qui il souriait lui sourit en retour, mais il ne s'en aperçut pas.
Avait-il eu raison d'agir comme il l'avait fait ? Ryô n'en était pas vraiment sûr. Peut-être l'autre avait-il compris qu'il était dangereux de l'attaquer, et y réfléchirait désormais à deux fois avant de se mesurer à lui. Mais c'était peu probable ; l'autre ne se laisserait sans doute pas intimider aussi facilement. Et au contraire, il semblait à Ryô qu'il s'était mis dans une situation plus périlleuse encore : il y avait une bonne chance - il grimaça intérieurement comme il pensait ce mot - que l'autre lui tire dessus en effaçant d'emblée toute trace de sa présence. Auquel cas il ne pourrait strictement rien faire pour sauver sa peau...
D'un autre côté, la haine qu'il avait ressentie était telle qu'il ne se l'imaginait pas se contenter d'une fin aussi rapide... Cette réflexion l'amena à réfléchir à un autre point : quelle pouvait bien être l'origine d'un sentiment aussi intense ? Un ancien ennemi qu'il avait ridiculisé ? Peut-être, mais cette tension éveillait en lui des souvenirs... Des souvenirs qui... Non. Ce n'était pas possible. Et pourtant... Ce n'était pas la même énergie, mais elle présentait de nombreux points communs avec celle de... De...
Son esprit buta sur le nom ^^, refusant d'associer les événements des dernières heures avec celui qui pour lui appartenait désormais au passé.

Ruminant de la sorte, il était arrivé sans s'en apercevoir véritablement à proximité de chez lui. Quand il s'en rendit compte, il ralentit le pas. Il n'était que seize heures, et Kaori ne l'attendait certainement pas avant trois de plus. Ceci étant, il aurait peut-être intérêt à rentrer dès maintenant, pour lui expliquer toute la situation.
Ouais. Elle comprendrait sûrement...

Arrivé à hauteur de son immeuble, il s'arrêta et déglutit difficilement.

***

Chapitre 4.

Il considérait pensivement son reflet dans la porte d'entrée vitrée, quand son attention fut attirée par l'immeuble qui apparaissait en arrière plan. Après tout, il pouvait aussi profiter du fait qu'il avait mis hors-jeu le mystérieux tireur - pas d'un point de vue physique, mais psychologique - pour essayer de découvrir son identité. Et ça tombait bien : l'immeuble en face du sien abritait un bureau de renseignements...

Avec un soulagement qu'il ne tenta pas d'analyser, il fit demi-tour et traversa la rue. Arrivé au pied du bâtiment, il releva la tête et observa quelques secondes le panneau qui était accroché à proximité d'une fenêtre du sixième ou septième étage. On pouvait y lire « M. ANGEL OFFICE », ainsi que divers autres renseignement écrits en plus petit. Ryô sourit un instant, associant machinalement au mot « office » l'image de secrétaires mignonnes et court-vêtues, puis chercha parmi la liste des occupants de l'immeuble le nom de M. Angel. L'ayant trouvé, il pressa quelques secondes le bouton qui le précédait, puis attendit, accoudé à un des battants métalliques de la porte d'entrée. La voix qui jaillit presque immédiatement de l'interphone fit s'évanouir la vision agréable de secrétaires sexy qui lui tenait compagnie :

- Mick Angel Office... Vous désirez quelque chose ? s'enquit une voix féminine que Ryô connaissait bien.
- Oui mon ange... Être introduit...
- Dis, tu pourrais te présenter... Heureusement que ta voix d'obsédé est aisément identifiable...
- Ha ha ha... Ma voix d'obsédé... répéta-t-il avec un sourire un peu jaune tandis qu'il pénétrait dans le hall.

Quelques dizaines de marches plus tard, et Ryô frappait à la porte de l'appartement où habitait son meilleur ami et ancien équipier. Comme rien ne venait, il prit la décision d'entrer de lui-même. La porte s'ouvrit sur un salon qui était manifestement la pièce principale de l'appartement ; de dimension assez vaste, elle était garnie de nombreuses plantes vertes qui lui conféraient une impression de vie et de chaleur. Il entra plus franchement et referma la porte derrière lui. Tout en troquant ses souliers contre des patins, il fit machinalement vaguer son regard autour de lui, à la recherche de celle qui lui avait répondu quelques instants plus tôt. A côté de lui, un placard au bois en mauvais état précédait une bibliothèque aux rayons remplis de livres en tout genre, dont la diversité semblait faire écho à celle des cadres qui recouvraient les murs. Au centre du salon, deux canapés en cuir se faisaient face, séparés par une table étroite et circulaire juchée sur un imposant pied cylindrique. Le tout était baigné par une atmosphère lumineuse, due à la fenêtre qui occupait presque toute la largeur du mur donnant sur la rue.

- Holà Ryô ! En quel honneur cette visite ? s'écria avec enjouement une grande femme brune qui venait d'entrer dans la pièce.

Il sourit à Kazue, et regarda cette dernière attentivement. Elle était jeune et belle - comme toutes ses relations féminines - mais sa vivacité avait été tempérée par le poids des épreuves qu'elle avait subies. Se sentant observée, elle lui sourit, et il put se rendre compte que Kazue n'avait rien perdu de son charme, bien au contraire : elle paraissait juste plus féminine qu'avant.

- Je passais dans le coin, dit-il avant de se rendre compte à quel point c'était stupide, et je... je suis passé vous faire un petit bonjour, voir comment vous êtes installés...
- C'est gentil de ta part, sauf que tu ne viens jamais dire bonjour...

Ryô éclata d'un rire gêné, et elle ajouta, tout en se dirigeant vers la cuisine :

- Je viens de faire du thé... Tu en veux une tasse ?

Il refusa, et traversa la pièce pour s'asseoir sans façon sur la plaque de bois qui faisait ressaut à la base de la fenêtre. Quand elle revint, une tasse fumante à la main, elle saisit un pouf et s'assit en face de Ryô.

- Alors Ryô, tu en es où avec Kaori ? lui demanda-t-elle pour le taquiner. J'espère que vous nous inviterez...
- Où ça ?
- Et bien, à votre mariage, bien sûr, lâcha-t-elle en souriant.

Il croisa ses mains derrière sa nuque, et afficha un visage impassible.

- Idiote ! siffla-t-il entre ses dents.
- Khu hu hu...
- Mais je peux te retourner la question : et vous, à quand le mariage ? Madame Kazue Angel ?

Elle partit d'un rire mélodieux, mais ce rire semblait forcé, et elle baissa les yeux vers le sol.

- Ryô...

Il se pencha en avant. Sa voix avait changé, et elle jouait nerveusement avec sa tasse.

- Si tu étais à la place de Mick... Comment est-ce que tu réagirais ?

Ouh là ! Sujet glissant. Apparemment, il n'y avait pas que lui et Kaori à avoir des problèmes dans leur relation...

- Tu veux dire : par rapport à toi ? demanda-t-il d'une voix hésitante, sachant pertinemment qu'elle ne parlait pas de cela.

Kazue fit non de la tête.

- Je veux dire : si toi aussi tu étais affaibli par les mois passés entre la vie et la mort à lutter contre le manque de drogue... Si toi aussi tu avais eu tes mains mutilées par une décharge électrique de telle sorte que tu ne puisses plus jamais t'en servir normalement... Si tu étais dans l'incapacité d'exercer le métier qui représente toute ta vie... Que ferais-tu ? Comment réagirais-tu ?
Ryô soupira.

- Hum... Je vois où tu veux en venir...
- ...
- Tu veux sans doute dire que, diminué comme il l'est, Mick ne peut plus satisfaire à toutes tes envies ? Mais tu n'as pas à t'inquiéter, il suffit que tu me...
- Ce n'est pas ça ! s'écria-t-elle en rougissant. Et ce n'est pas le moment de plaisanter, Ryô !!

Un « coucou » plus tard, et il se dirigeait vers Kazue, son habituel sourire d'obsédé aux lèvres.

- Hé hé hé... On va s'en payer une bonne tranche, toi et moi, et tu verras, tu te sentiras beaucoup mieux après !
- Kyaaah ! Non !

Il allait la saisir par la taille quand il se figea brusquement. Un goutte de sueur perla à sa tempe, et il retrouva son état normal - ?? ^^ - rapidement.

- Dis... Tu... Tu en avais encore ? demanda Ryô d'une voix blanche, les yeux fixés sur la seringue remplie d'un liquide incolore que brandissait la jeune femme d'un air menaçant.
Celle-ci haussa les épaules.

- Avec toi, il vaut mieux prendre ses précautions... Mais tu es vraiment nul ! Je t'ai posé une question, et tu pourrais y répondre un peu plus sérieusement ! Tu es lâche, Ryô !
- Tu ne devrais pas me faire aussi peur, Kazue ! dit-il en reculant prudemment de quelques pas. Moi, maintenant, à la seule vue d'une seringue, je sens mes boules qui rétréciss...

Ryô s'interrompit soudainement. Ce bruit... Un tel bruit ici... Mais alors... Il regarda Kazue, qui manifestement n'avait rien entendu, et lui demanda :

- Au fait... Tu ne saurais pas où je peux trouver Mick ? Apparemment, il n'est pas dans l'appartement, non ?

Les yeux bruns de la jeune femme se teintèrent à nouveau de tristesse, et elle détourna son regard vers la fenêtre.

- Non... C'est de ça dont je voulais te parler... Ces derniers temps, je ne le vois presque pas, il passe tout son temps dans le sous-sol de l'immeuble... Et quand il n'y est pas, il sort en ville pour draguer les filles... Je n'en peux...
- ...
- Dis, Ryô, tu m'écoutes ?
- Hum ?

Il avala les derniers morceaux de la pomme qu'il avait pêchée dans un saladier voisin, et se gratta l'entrejambe en bâillant.

- Oui, bien sûr que je t'écoute...

Elle ferma les yeux, et essaya de ne pas céder à la colère qui montait en elle, lui ordonnant de jouer aux fléchettes avec sa seringue et une cible qui en était à son deuxième fruit.

- Bien sûr que je t'écoute, répéta-t-il avec un bruit de déglutition. Et c'est justement pour ça que je veux le voir...
- Ah ? fit Kazue, une lueur d'espoir dans les yeux. Ryô avait pris à nouveau un air sérieux, en même temps qu'une banane cette fois.
- Il y a un nouveau cabaret qui vient d'ouvrir ses portes, juste à la limite entre Harajuku et Shinjuku, et ils ont vraiment des filles superbes ! Je me demandais s'il était au courant...
- Ryô... Toi alors... Je te hais !!!! hurla-t-elle en lançant de toutes ses forces la seringue dans sa direction.

Il l'évita en riant, et gagna en quelques bonds l'entrée de l'appartement. Il s'affaira quelques secondes à remettre ses mocassins habituels, puis disparût de la vue de Kazue. Elle entendit le bruit de ses pas décroître rapidement, et se retrouva à nouveau seule dans la pièce silencieuse bien qu'inondée de lumière.

***

Ryô soupira, et s'excusa intérieurement auprès de la femme qu'il venait de quitter. Elle était courageuse, et méritait de vivre enfin heureuse. Mais ce n'était pas à lui de répondre à ses questions ; désormais, un autre que lui détenait les clefs de son bonheur futur... Comme il descendait quatre à quatre les marches de l'escalier, les étages défilant avec rapidité, le bruit qu'il avait entendu un peu plus tôt en compagnie de Kazue refit son apparition, avec plus de netteté, ne laissant aucun doute quant à son origine : plus bas, quelqu'un tirait des coups de feu. Arrivé au terme des escaliers, dans la quasi-totale obscurité, il s'arrêta un instant pour s'orienter. En face de lui, délimitée par quatre rais de lumière, se trouvait une porte, qu'il essaya vainement d'ouvrir. De l'autre côté, il sentait sans erreur possible l'énergie de Mick, qui se tenait à deux ou trois mètres de lui. Deux autres détonations, très proches l'une de l'autre, retentirent.
Silencieusement, il crocheta sans difficulté aucune la serrure de la porte, et poussa doucement cette dernière. Une vaste salle, presque complètement nue, s'offrit à son regard. Le plafond, situé à une hauteur d'environ trois mètres, était gris et uniformément bétonné, n'offrant de différence avec le sol que les quelques tubes métalliques et néons qui jalonnaient sa surface. Accolées contre le mur de gauche, des étagères supportaient des armes en tout genre et des caisses que Ryô devina remplies de balles. Devant lui, et but premier de sa visite, un homme lui tournait le dos.

****

Suite

© Cette fanfiction est la propriété de son écrivain . Elle a été réalisée à partir des personnages créées par Mr Tsukasa Hojo.